Elle incarne le 4e pouvoir, semble-t-il, mais sa participation à la reconstruction du Gabon sous le prisme de la Transition n’a pas été prise en compte. Tant dans les administrations que les institutions, les Journalistes ont été laissés sur le carreau, relégués à leur simple position d’antan de spectateur.
La Transition est en marche au Gabon. Les institutions devant accompagner ce processus politique le sont également. Dans quelques semaines, la Primature va débuter avec la réception des Appels à contribution, base sur laquelle pourraient s’appuyer les parties prenantes au Dialogue national pour réformer l’Etat. A la présidence, à la Primature, à la Cour constitutionnelle, au Sénat, à l’Assemblée nationale et autres, tous les nouveaux acteurs choisis par le président de la Transition, le Général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema ont pris leurs marques. Une forte représentativité de tous les « bords » politiques et toute la constante agissante de la société peut être appréciée. Les ONGs, associations, activistes, bref, la cohorte de la société civile s’y est bien installée dans le train de la Transition. Déposée par le lobbying et les coups de force.
Relégué dans son rôle et statut de « parent pauvre » du développement social et économique du Gabon, la presse gabonaise, malgré son statut absolu et mondialement reconnu de 4e pouvoir, va se contenter de jouer les observateurs ou faire-valoir, c’est selon, dans une période aussi importante que celle de la Transition. Et pour cause, ses aspirations et ses besoins socio-économique risque d’être eux-aussi, relégués au second plan et ne feront certainement pas l’objet d’aucune attention ni intention, en dépit de la confiance affiché par le nouveau tenant du pouvoir, Brice Clotaire Oligui Nguema, lorsqu’il recevait, au lendemain de son « Coup de libération », les hommes et femmes de médias. Qu’il s’agisse de la députation, ou du poste de sénateur, des administrations ou autres, les journalistes sont au carreau, laissés pour compte dans le processus de nominations ou de désignation à des fonctions.
Patron d’un média en ligne réputé au Gabon, Stive Roméo Makanga, Journaliste et Président de l’Union des Patrons de la presse indépendante du Gabon (UPPIG) apprécie amèrement ce déséquilibre. « Ce qui se passe aujourd’hui au Gabon est quasiment inédit. Dans le processus engagé par le CTRI dès sa prise de pouvoir le 30 août, notamment celui de la Restauration des institutions, les acteurs de médias sont les grands absents. Que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, pour ne citer que ces deux chambres du parlement, il n’y a pas l’ombre d’un journaliste. Pourtant, nous avons espéré jusqu’à la dernière minute que le président de la Transition y penserait, ce d’autant qu’il est au courant que le Code de la communication pose un énorme problème. Tout le monde est d’ailleurs d’avis qu’il est à refaire, parce que profondément liberticide. Et qui mieux qu’un journaliste pour relever les incongruités ? », fait constater l’homme des médias.
Pour ce journaliste, il est clair que cette Transition profite plus à tous les acteurs de la société : Société civile, diaspora, partis politiques, hommes d’église, mais pas aux journalistes. Entre déception et interrogations, ils sont nombreux, les hommes et femmes de médias qui s’interrogent sur l’avenir de leur secteur, surtout que malgré la Transition, les « vieux démons » du passé ressurgissent pour compliquer leur travail. « La Presse est devenue l’enfant pauvre du nouveau pouvoir qui lui avait pourtant promis de lui redonner ses lettres de noblesse », fait à son tour constater Jeremy Gustave Nzamba, ancien Journaliste à Africa N°1. Pour ce professionnel des médias, il y a lieu que le CTRI, qui tient à la bonne marche du processus de Transition et à l’implication de tous les acteurs de la société se rétracte pour « rectifier le tir ». Selon lui, il en va de la crédibilité des garanties données par Brice Clotaire Oligui Nguema au lendemain du « Coup de libération » aux hommes et femmes des médias.
Secteur le moins nantis de l’économie gabonaise et ne bénéficiant pas d’une attention digne de son rang de 4e pouvoir de la part des autorités, la presse fait face à d’énormes difficultés qui s’articulent pour l’essentiel, autour des problèmes liés aux manques des moyens matériels et financiers, au problème de formation et d’accompagnement, au problème d’accès à la publicité pour les médias privés, à la problématique des pressions politiques et d’ouverture au monde. Pour un professionnel du domaine ayant requis l’anonymat, il est indispensable de décongestionner ce secteur et de garantir aux journalistes un mieux-être pour qu’en retour, ils produisent un meilleur travail que celui servi actuellement. Cette garantie souhaitée dépend tout aussi, selon certaines indiscrétions, de la capacité des journalistes d’être une force de proposition pour leur propre secteur. Car, reconnaissent certains journalistes, on n’est mieux servi que par soi-même.
Flaury Moukala