Les Haoussa ou Hausa, c’est selon, font et pourtant partie des ethnies du Gabon, mais ces dernières semaines, leur « Gabonité » est sujette à caution. La masse populaire les accuse de s’être complait de la situation de prédation des deniers publics et de ne pas s’accommoder à la souffrance des autres gabonais. Depuis le sujet enfle sur la toile.
Les Haoussa ou Hausa sont-ils des Gabonais à part entière ? Pour le plus grand nombre des gabonais, la réponse à cette question est systématiquement « Non ». Au sein de la communauté scientifique, le sujet divise entre ceux qui reconnaissent en les Haoussa ou Hausa une « Gabonité » et ceux qui dans leur classification des ethnies du Gabon ne mentionnent pas la référence Haoussa ou Hausa comme faisant partie des ethnies du Gabon. Mais qui sont les Haoussa/Hausa ? D’où viennent-t-ils ? A quel moment leur a été reconnu la nationalité gabonaise ?
Pour répondre à cette question, sondons l’histoire, à la recherche d’explications. Les Hausa sont selon la plateforme Langues 241, connus comme étant un peuple de commerçants. Ils sont arrivés au Gabon dans les années 1890 par la province du Woleu-Ntem, où ils ont cohabité selon la plateforme, avec les Fang à qui ils vendaient leurs produits. Pour Calixte Engone Ndong, qui consacre en 1998 une thèse sur cette controverse, « les Hausa, qui sont distincts du groupe fang majoritaire par la profession (marchands) et par la religion (l’islam), sont arrivés à Oyem dans le contexte de l’expansion coloniale. Ils s’imposèrent comme intermédiaires entre la société coloniale et les populations fang »
Selon l’historien, cette position stratégique leur permit, non seulement de monopoliser une part importante des échanges en milieu indigène, mais également d’asseoir une ascendance socioéconomique certaine sur les Fang que le système colonial ne cessait de marginaliser. « Avec l’accession du Gabon à l’indépendance nationale, l’emprise du groupe majoritaire sur l’État postcolonial se traduisit par la relégation des Hausa en position des citoyens de seconde zone », conclu-t-il.
Très présents dans la province du Woleu-Ntem, la mémoire collective fang, suggère les travaux de Calixte Engone Ndong, les présente comme des étrangers, une population non gabonaise. Mais les Haoussa ou Hausa ne sont pas que dans la province du Woleu-Ntem. On les retrouve également dans les provinces de l’Estuaire, du Moyen-Ogooué, de l’Ogooué-Lolo et de l’Ogooué-Ivindo. Privés de légitimité après l’accession du pays à l’indépendance en 1960, les Haoussa ou Hausa acquièrent leur « Gabonité » en 2005, suite à un décret présidentiel qui leur reconnaît le droit de sol, au même titre que les citoyens des autres communautés ethniques.
Malgré cette appartenance reconnue, les Haoussa ou Hausa vivent en phase clos. Ne se mariant, ne faisant des affaires et s’organisant uniquement entre eux. Aucune proximité avec les autres ethnies n’est perspectible. Qu’il s’agissent de lutter pour les droits fondamentaux comme la démocratie, l’alternance avec les récentes revendications pour la fin du règne Bongo-PDG, ou de critiquer les modèles de gouvernance publique qui ont prévalu ces derniers années, les Haoussa ou Hausa sont restés en retrait des affaires politiques publiques, donnant l’impression que « Tout aller pour le mieux dans le meilleur de monde » ou de soutenir la « dictature d’Ali Bongo Ondimba ». C’est ce mobilisme dont se servent les autres Gabonais pour remettre en cause leur « Gabonité », alors que comme le veut la concorde, les Gabonais doivent être unis face à l’adversité pour la surmonter.
Depuis ce constat, les réactions fusent de part et d’autre. Le Badecon en Chef, un activiste très critique s’est, il y a quelques jours, emparés du sujet en relevant quelques entorses au comportement non patriotique des Haoussa ou Hausa face aux problèmes de gouvernances dont souffrait le Gabon du temps de l’ancien régime. Sur les réseaux sociaux, le sujet enfle la toile avec des positions tranchées. Les Haoussa tentent tant bien que mal de prouver leur bonne foi à l’égard de leur mère partie. Malgré cet acharnement, suivant l’histoire, force est de reconnaître que les Haoussa sont bel et bien une ethnie gabonaise. Mais ce brin d’histoire ne sera peut-être pas assez éloquent pour élucider l’appartenance historique de ce peuple au Gabon, car leur établissement transcende nos frontières.
Michael Moukouangui Moukala