La Transition prend petit à petit ses marques à Libreville où l’administration centrale change de visage au gré des nominations. Dans l’arrière-pays où ce vent ne se fait pas encore vraiment ressentir, les vieilles habitudes ont la peau difficile et concourent même à ballonner, piétiner et privé de liberté d’expression et des droits, les communautés, si ce n’est les milliers de travailleurs qui écument les forêts pour exploiter les ressources naturelles.
Monsieur X est un conducteur poids lourd, employé depuis plusieurs mois dans une société forestière détenue par les chinois, dans la province du Woleu-Ntem. Loin de sa famille et faute d’une meilleure offre, Monsieur IGM doit subir au quotidien l’insolence, la dictature salariale et les mauvais traitements de ses employeurs. Admis au sein la société pour un Contrat à durée déterminée (CDD), celui-ci n’a jamais évolué, ses employeurs, des exploitants forestiers de nationalités chinoises renouvelant infiniment cette catégorie de contrat. Pire, pour échapper aux cotisations, seule la base salariale est payée sur bulletin, le reste d’addition salariaux étant payé séparément, à la main. Une pratique utilisée par les chinois pour échapper aux cotisations et autres responsabilités patronales.
À CDG, entendez par là Compagnie Dan Gabon, lui et ses collègues n’ont pas la voix, au risque de prendre la porte et se retrouver au chômage. Surtout qu’ils sont peu, les Gabonais à avoir eu la chance d’intégrer cette exploitation exclusivement réservée aux expatriés. Les exploitants étant protégés par les Auxiliaires de commandement : Préfet, Sous-Préfet, Commandant de Brigade, Chef de Canton et autres, bénéficient des grâces administratives de ces derniers qui détiennent chacun son « Chinois ». Monsieur X se souvient d’une scène pour le moins extraordinaire durant laquelle, pour n’avoir pas respecté les heures d’arrêts de trafic de camions, un Préfet s’était permis avec son véhicule de barrer l’accès du chantier. Une scène rocambolesque qui avait étonné plus d’un, quand on sait que cette autorité aurait pu se servir des éléments de force de défenses et de sécurité pour faire respecter la loi.
Soumis à la tâche à CDG, Monsieur X ne ressent pas encore le vent de la Transition dont ses concitoyens se vantent dans les grandes villes du pays, notamment à Libreville. Là-bas, l’air du changement n’a pas encore atteint leur environnement, puisque les mêmes pratiques persistent au malheur des employés. Une tradition entretenue par les Auxiliaires de commandement qui gère l’arrière-pays comme leur chasse-gardée, faisant des « rois », imposant leur diktat et entretenant la corruption et le pillage des ressources du pays. La crainte de Monsieur X est que l’enlisement de ces comportements et pratiques affecte la Transition et les intentions du président, Chef de l’Etat, le Général de brigade Brice Clotaire Oligui de « redonner aux gabonais leur dignité ». Une question sur laquelle il est attendu.
Séraphin Lame